"2666" de Roberto Bolaño
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Ce que Vincent Hugot en pense :
2666 est le roman posthume de Roberto Bolaño, auteur chilien qui gagna en notoriété notamment grâce à sa victoire au prix littéraire Herralde en 1998, et qui vécut la plus grande partie de sa vie en Espagne où il s'installa après moult vagabondages à Blanes en Catalogne.
La note à la première édition nous apprend au sujet de ce roman que l'auteur avait originellement orienté son travail de sorte à ce que chaque partie fasse l'objet d'un roman dédié, puis, cette même note nous apprend que, bien que se trouvant dans la phase finale de son projet, Bolaño n'avait pu achever ses écrits, ce qui expliquerait la fluidité forcée qui découle de l'ouvrage.
L'intrigue se déroule sur deux siècles, commence aux premières lueurs de la seconde guerre mondiale et se termine au milieu des années 2000. Il nous emporte en France, en Angleterre, en Italie et en Allemagne sans oublier les États-Unis et le Mexique dont la fameuse région du Sonora, constante dans les œuvres du chilien. La clef de voûte de ce roman est un écrivain, Benno Von Archimboldi, plusieurs fois nommé aux Prix Nobel mais dont personne ne semble rien savoir. Autour de cet axe gravitent des académiciens experts en littérature et d'Archimboldi, un professeur d'Université d'origine espagnol émigré au Mexique, une série de femmes assassinées se comptant par centaines, un journaliste Américain dépêché à la dernière minute pour couvrir un match de boxe au Mexique, discipline dont il ne sait rien étant un journaliste politique et enfin un officier Allemand qui part en guerre sur les fronts de l'Est.
La richesse de 2666 se trouve dans la multiplicité des personnages secondaires qui prennent une place et une envergure inattendue quelques pages durant. L'auteur nous amène par exemple à la rencontre d'un peintre dont la santé mentale est aussi confuse et particulière que ses tableaux, ou encore un Général roumain, Entrescu, qui entre autres singularités, est doté d'un pénis aux dimensions extravagantes.
Il est cependant frappant, au fil de l'ouvrage, que les parties ne s'articulent pas toutes sans grincements, comme celle du journaliste américain, qui, bien qu'intéressante, s'intègre avec difficulté dans l'ensemble. Et d'autres parts, consacrer plus de quatre cents pages aux descriptions successives d'assassinats, a le don de mettre à rude épreuve la patience du lecteur et marque une pause d'une longueur et d'une lenteur inattendue dans la narration.
2666, malgré les failles externes à la volonté de l'écrivain, nous plonge dans un univers riche en personnages et en diversité géographique et stylistique, et Bolaño, par son talent narratif exceptionnel, guide et brusque le lecteur dans ce monde où il n'existe aucune histoire qui ne soit digne d'être racontée.
La citation :
" Qu’est-ce qui se passe ? On étouffe, merde. Vous, vous vous défoulez comme vous pouvez. Moi, je tabasse ou je me laisse tabasser. Mais ce ne sont pas n’importe quels tabassages, des cassages de gueule apocalyptiques. Je vais vous raconter un secret. Parfois je sors le soir, et je vais dans des bars que vous ne pouvez même pas imaginer. Là, je joue l’efféminé. (...) Un mignon efféminé prétentieux, avec du fric, qui regarde tout le monde de haut. Alors arrive ce qui doit arriver. Deux ou trois brutes m’invitent à aller dehors. Et le tabassage commence. Je le sais, et je m’en fous. Parfois ce sont eux qui s’en tirent mal, surtout quand j’y vais avec mon pistolet. "
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