D'abord province frontière du royaume wisigothique de Tolède, puis, après une brève période de domination musulmane, marche avancée d'un Empire franc dont l'effacement progressif l'amènera, finalement, à affirmer son identité et à se constituer en principauté féodale, la Catalogne se signale par une originalité culturelle à la mesure de cette histoire mouvementée. Du IXe au XIIe siècle, elle constitue un carrefour d'échanges entre l'Europe chrétienne et al-Andalus, foyer d'un intense rayonnement scientifique, mais aussi entre la « Renaissance » carolingienne et l'Hispania demeurée gothique. De cette originalité témoignent d'une part de nombreux manuscrits et catalogues de bibliothèques et, d'autre part, une imposante masse d'actes notariaux concernant la vie quotidienne, dont l'abondance révèle à quel point la société catalane est fondée sur l'écrit. Certes, lire et écrire sont des privilèges qui restent l'apanage d'une minorité ayant accès à la littera ; mais la richesse de cette documentation permet d'aller plus loin et d'accéder à une plus large collectivité : les livres ne parlent pas seulement de ceux qui les lisent ; ni les actes, de ceux qui les écrivent. Ce que le présent ouvrage s'attache à décrire, c'est l'évolution culturelle d'une collectivité parvenue à une étape décisive de sa formation nationale.