Celui qui s’adresse à un psychanalyste dit toujours quelque chose de l’époque dans laquelle il vit, et celle-ci veut se faire entendre à travers lui. C’est au coeur de ces interférences que se situe cet essai, écho pensé des maux et mots de patients. « À quoi se tenir » demandent-ils tous ? S’épuisant à trouver un appui sur un sol friable, peinant à s’élancer hors du présent, la plupart évoquent une fatigue extrême et un désert intérieur asséché par les exigences du marché et le sentiment d’une hostilité diffuse qui menace la relation à l’autre.
Pour comprendre d’où vient cette souffrance, mais surtout la fragilisation du sujet qu’elle exprime, Catherine Ternynck les met en perspective avec les transformations de notre environnement familial, social, politique et symbolique. Or, d’analyses connues, tels les changements dans la filiation ou la fragilisation de la transmission, à d’autres peu développées, tels la féminisation du modèle parental, le refus de la dette et le culte de l’enfant, le développement des relations familiales sous forme contractuelle, l’abandon d’un temps long ouvert sur la transmission, pour un temps court maîtrisé par l’individu…, il apparaît que les sujets sont plongés prématurément dans l’apprentissage de l’autonomie et que c’est pour cette raison qu’ils peinent à grandir à hauteur d’homme.
Un changement anthropologique est en cours dont il faut prendre la mesure.