«C’est ce soir-là, après avoir copieusement arrosé l’arrivée du nouveau venu, que nous avons décidé dans l’euphorie et à l’unanimité de le baptiser Zingaro. Il endosserait le nom de notre théâtre équestre et musical, premier nommé il donnerait à la troupe sa descendance. Plus tard, tandis que la fête se répandait dans la nuit et que s’épanchaient les cœurs imbibés, je me suis surpris, comme souvent, à ne plus trouver ma place. J’éprouve dans ces moments le besoin de me retirer ; de m’évaporer sans au revoir ni salut. Je suis allé le rejoindre dans son box, je n’ai pas allumé, je me suis glissé dans son antre comme on se glisse sous les draps de l’amante endormie. Il était couché sur le flanc gauche, je me suis assis près de lui, il a tourné la tête vers moi sans se relever, un peu étonné de me voir, comme sorti d’un songe.
Cette nuit-là, nous avons fait un pacte : j’allais contaminer son animalité et il allait me permettre d’exister parmi les hommes. Aux humains de mon espèce, nous allions nous révéler. Pour la vie.»