L'immigration qui contribue et contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l'Europe elle-même à la question de leur identité. Les individus cosmopolites que nous étions spontanément font, sous le choc de l'altérité, la découverte de leur être. Découverte précieuse, découverte périlleuse : il nous faut combattre la tentation ethnocentrique de persécuter les différences et de nous ériger en modèle idéal, sans pour autant succomber à la tentation pénitentielle de nous déprendre de nous-mêmes pour expier nos fautes. La bonne conscience nous est interdite mais il y a des limites à la mauvaise conscience. Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d'être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu'aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l'art de lire par l'interconnexion permanente et qui proscrit l'élitisme culturel au nom de l'égalité, s'il est encore possible d'hériter et de transmettre.